PREFACE
Le livre que nous
présentons, conformément au désir que l'auteur a bien voulu nous en
exprimer, est triste, pensif et tendre, sans plus d'indulgence qu'il ne
semble requis en un pareil sujet.
Nous avons longtemps
non pas hésité, mais réfléchi avant de nous livrer à une tâche aussi grave ;
mais, tout balancé, nous en assumons la responsabilité et les quelques
lignes qui suivront seront sincères comme l'ouvrage, et nettes, et claires,
et,nous osons l'espérer, définitives, autant qu'il est permis, comme lui.
Sauf le cas de monsieur
Auguste, roman brillant et superficiel, un peu bien ridicule peut-être, même
dans sa pitié digne d'ailleurs de cet écrivain qui n'eut guère, en somme,
que de l'esprit, sauf quelques aberrations accessoires de Vautrin, les
magnifiques et terriblement troublants sonnets de Shakspeare et de très
rares choses de Gœthe, nous ne croyons pas que nulle littérature moderne se
soit occupée d'une façon un peu spéciale du sujet que M. Henri d'Argis a
traité si bien et si chastement ainsi qu'il convient de le reconnaître et de
le proclamer.
L'exception morale dont
il s'agit est, depuis l'avènement du christianisme, devenue un problème
douloureux, une question absolument digne d'attention et des réflexions les
plus profondes, de simple lieu commun et de léger paradoxe qu'elle se
trouvait être dans l'antiquité païenne, depuis l'Iliade pour parler
de temps déjà héroïques, jusqu'aux dialogues de Lucien, en passant par le
Banquet, jusqu'à l'empire romain et la décadence.
Le moyen âge ne semble
pas s'être douté, sinon dans les méticuleuses prévisions et précautions de
ses théologiens d'un trouble aussi grave du cœur : il fallut que ce que l'on
appelle la Renaissance, époque néfaste, éclatât d'une splendeur diabolique,
pour apporter dans la simplicité bénie des fortes mœurs de nos
arrière-ancêtres la langueur de telles mœurs.
Nous disons « langueur
», car, bien que ces mœurs aient été celles des Grecs et des Romains, elles
furent toujours considérées par leurs écrivains comme une exception, nous
voulons le répéter.
Mais ces considérations
sont purement historiques : on attend peut-être autre chose de nous ; il
nous semble utile de chercher une cause à ces exceptions morales, à ces cas
intellectuels (il ne peut être" question ici, et dans l'ouvrage même, que de
ceux-là, on l’a sans doute compris), et nous voulons dire en quelques mots
ce que l'on trouvera dans Sodome.
Une surexcitation de
l'intellect, avec un sentiment plastique peut-être exagéré, des déboires
dans un amour qui devait rendre heureux, voilà, croyons-nous, l'origine
habituelle d'une erreur qui, pour n'avoir pas eu cette excuse et n'être pas
restée un cas intellectuel et moral, est punie si terriblement dans
la Bible.
Peu de personnages,
dans ce livre très simple un prêtre, deux hommes, une femme: n'est-ce pas là
un microcosme dans lequel peuvent évoluer tous les sentiments et tous les
instincts de notre pauvre humanité : voilà les acteurs que M. d'Argis a
choisis pour jouer ce drame poignant qui commence par des scrupules et finit
par un remords, seul châtiment, mais combien affreux, d'une faute qui fut si
peu commise!
Vous le voyez, le
livre, avant tout, est chaste et juste.
Et cependant, mon cher
d'Argis, laissez-moi vous le dire, ne craignez-vous pas les reproches? Votre
Soran, en somme, est coupable, et n'avez-vous pas fait ce coupable trop
sympathique? Car il est séduisant, votre Soran : il est beau d'abord, et
puis si généreux et si grand, si spontané (cela ne suffit-il pas pour être
bien malheureux) ! mais ce n'est peut-être pas être innocent que d'être
malheureux, et celui qui s'alanguit, qui se laisse aller, qui ne lutte pas,
n'est-il pas, en quelque sorte, criminel ? Et puis, ce titre que vous lancez
comme un anathème ne vous semble-t-il pas audacieux?
Voilà ce que l'on vous
dira ; mais, moi qui suis votre ami, je vous dis : Votre roman, j'allais
dire votre poème, est bon puisqu'il est humain et sévère, après tout, comme
la science, et droit et direct, dans le tâtonnement d'un tel début, comme
votre talent si simple, si naturel, et si franc, mais si timide comme tout
ce qui est simple, et si complexe comme tout ce qui s’affirme ou veut
s'affirmer.
Vous avez la volonté,
l'élan, l'effort, et mieux encore que tout cela - l'essor vers une
littérature vraiment amère.
Donc, courage et
laissez dire.
PAUL VERLAINE
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L'ENFANCE
1
« Vous n'aurez pas,
avec un mâle, le coït féminin, » dit la Bible. Quoi de plus chaste et de
moins troublant que cette phrase brutale et sauvage? n'est-elle pas le
modèle, dans sa simplicité si explicite, du psychologue des psychologies
honteuses?
Les vices contre nature
sont comme une charogne décomposée que son odeur âcre et son aspect purulent
protège du scalpel. L'étude en est formidable; elle doit, pour être saine,
être brusque et courageuse; elle doit, pour ne pas être dangereuse,
s'abstenir de pruderie et de réticences.
Ces lignes expliqueront
peut-être suffisamment une conception qu'on pourrait appeler le
Naturalisme de la pensée.
Les impressions neuves,
même qu'un peu neuves, sont rares au Parisien. Il pourrait en découvrir,
peut-être, mais si loin! s'enfuir au pôle ou à l'équateur, entrer dans une
mosquée, s'introduire au sérail... au reste, vivre dans la neige ou respirer
le soleil, prier nu-tête ou nu-pieds, voir des femmes s'ennuyer comme
s'ennuient d'autres pensionnaires: tout cet inconnu lui serait-il bien
nouveau?
Quel est l'homme de
trente ans, amoureux de sentir, qui n'a éprouvé toutes les émotions, tous
les tressaillements? En quinze années, il a admiré, aimé, souffert, espéré :
toute la formule de la vie.
C'est d'abord, au"
collège, par besoin et par obéissance, les enthousiasmes sans quartier, les
cultes idolâtres qui s'attiédiront plus tard. Il en sort, le voilà libre:
sur le trottoir, une fille lui fait un signe: il la suit, rougissant de
désir et de honte. La rue est déserte, la maison ignoble, la femme
repoussante, et il se cache et il rase les murs. Il monte et rougit encore
devant le bureau de l'hôtel: il lui semble qu'on sourit à son passage : il
regrette d'être venu, il voudrait s'en aller : la porte de la chambre
s'ouvre et il entre; la raccrocheuse, experte, a lu dans son esprit et dans
sa bourse : elle est maternelle, et mignotante et joyeuse; cela l'amuse, la
bonne fille, de prendre cette virginité; lui est là, bouche bée, ne sachant
que faire : ce gros rire l'énerve... au bout de quelques instants, il
descend encore débraillé, étonné et écœuré: c'est çà, la femme!...
Le corps est souillé,
mais l'âme encore vierge ; non pour longtemps; un an après, il aime; une
femme avatar de la
première, qu'il voit au travers d'un arc-en-ciel d'illusions, empoigne cette
pauvre âme; telle, la douce Méditerranée : (la ponctuation d’origine est
très bizarre, note de JA)
Le ciel est pur et
l'eau est bleue: sur la plage, l'homme étend ses membres lassés que la mer
mollement caresse: il se laisse lécher, inconscient; ces blandices le
charment et les flots l'emportent en le berçant, et il s'éloigne du bord :
et le ciel est bleu et l'eau est pure; et voilà que, tout à coup, il entend
des grondements affreux et d'immenses bouillonnements sourdre au-dessous de
lui; c'est la tempête inconnue et formidable : et il veut fuir, et la mer se
calme, et il s'abandonne encore à cette escarpolette : vain espoir : l'orage
renaît plus violent, et les vagues énormes le rejettent sur la plage et se
retirent : il est sauvé, il s'encourt : le malheureux ! Ia mer est revenue,
elle est là terrible et géante : elle l'enlace et le roule et le pétrit sur
les galets, et Dieu permet enfin que l'imprudent s'échappe meurtri et
brisé...
C'est le premier amour
avec ses ignorances et ses curiosités, et ses jouissances et ses tortures ;
et, pendant longtemps, ce cœur va saigner; il commence à vivre, il souffre.
Alors, l'immense dépression et le découragement inéluctable; l'amour
remplissait tout entière l'âme de cet homme ; il l'a quittée, et cette âme
est morte : le corps va végéter, sans foi, sans croyance, sans but : sa vie
s'est arrêtée...
Le temps a passé et le
cadavre renaît : l'oubli a ressuscité l'âme : la foi revient et l'espérance.
La vie recommence ; l'ambition remplace l'amour; trahi par la femme, l'homme
courtise la gloire, la « capricieuse prostituée » qui, au gré des obscurs, «
s'éprend des imbéciles et nargue les génies ». Et la gloire le nargue, et
il se croit un « génie méconnu» et la dépression revient : toutes ces
émotions l'ont blasé, son palais est maintenant insensible aux épices. Y
a-t-il un piment assez fort pour le réveiller? Un pareil homme n'est-il pas
mûr pour les plus grands vices, ou préparé pour les plus grandes vertus?..,
Tel était l'état de
Jacques Soran, plus triste encore, car le temps ne l'avait pas guéri, et,
rarement il avait été autant découragé que ce jour-là. Il s'était couché
fort tard, et l'insomnie le chassait de son lit à cinq heures. Il essaya de
lire ; les lignes zigzaguèrent sous ses yeux ; il s'obstina : tout ce qu'il
feuilleta lui parut absurde. A bout de ressources, il descendit dans la rue.
A six heures du matin,
à la fin de mars, Paris présente un spectacle qui devait frapper Soran peu
habitué à sortir sitôt.
En quittant la rue des
Prêtres-Saint-Séverin, il prit la rue Zacharie, et se trouva tout de suite
sur le quai Saint-Michel. La veille, la neige couvrait la chaussée ; il
dégèle : les boueurs (sic) achèvent de l'enlever en la jetant à l'égout ;
ils sont là, les pieds dans l'eau, les mains dans un bas, poussant leur
balai d'un mouvement rythmique de métronome : automates inconscients et
insensibles, sans autre souci que de ne pas mourir de faim ; ceux-là sont
heureux, se dit Soran.
Devantlui, de l'autre
côté de la Seine, l'horrible caserne de la Cité avec son architecture
moderne de carton-pâte. A droite, heureusement, colosse gothique, Notre-Dame,
aux deux tours chenues de vieillesse et de neige ; - là-bas à l'horizon, le
Panorama de la Bastille, comme un morceau de céruse sur le ciel de zinc.
Soran tourna à gauche,
et s'en alla au hasard, les bras ballants.
Six heures et demie :
quelques boutiques commencent à s'ouvrir ; le boulanger enlève les volets en
sifflotant comme un serin ; il vendra aujourd'hui autant de pain qu'hier, et
demain autant que la veille, et dans dix ans il se retirera avec trois mille
francs de rente : il n'a jamais pensé, il ne pensera jamais ; celui-là
aussi est heureux, songea Soran…
A cette heure-là, dans
Paris, pas de gens qui pensent ; dans la journée, au milieu de l'ignoble ,
on rencontre par aventure quelque esprit qui s’égare et se dépêche de
rentrer chez lui, dépaysé ; au point du jour, balayeurs, boutiquiers, cocher
de fiacre éreinté, ivrogne, joueur décavé sortant du tripot, tout ce monde
balaie, ouvre, conduit, titube et va se coucher sans penser...
Et, en voyant tous ces
gens contents d'être, Soran se demande s'il est bien dans le vrai en faisant
vivre son esprit, en cherchant à connoter l'impénétrable infini, et s'il ne
vaudrait pas mieux boire, manger et dormir, bourgeoisement, sans penser...
« Mais, le pouvoir!
comme on serait heureux sans ces attaques de découragement qui vous
empoignent et vous anéantissent! Comme ils sont heureux ceux qui n'aiment
pas le beau et que le laid n'écœure pas, et combien misérable ma nature que
la moindre chose fait souffrir et que la vue de cette horrible caserne à
côté de Notre-Dame remplit de tristesse! Mais combien plus misérable elle
serait sans ces tortures de l'esprit qui font oublier les autres... celles
du cœur. »
Tout en songeant,
Jacques avait traversé le pont Saint-Michel, passé derrière le Palais de
Justice et il se trouvait dans la cour du Carrousel.
Dans cette crise de
néant qui l'étreignait souvent, il ressentait comme une double courbature de
l'esprit et du corps : il voulut tâcher de guérir au moins celle-ci,
peut-être l'autre disparaîtrait-elle en même temps.
Un établissement de
bains turcs venait de se fonder près de l'Opéra; on lui avait dit que, grâce
à une combinaison de sudation, de massage et de douches, l'homme le plus
fatigué en sort dispos et comme renouvelé : il voulut essayer de cette sorte
de vomitoire qui permet le surmenage à tant de Parisiens, et, une demi-heure
après, il était au Hammam.
Il se déshabilla, se
couvrit d'un pagne, et entra, dans l'étuve.
Fréquenté surtout par
les boulevardiers, le Hammam est désert à cette heure. Soran fut donc seul
dans une salle sombre et haute en pierre nue, sorte de nef pseudo-mauresque,
pseudo-romane ; pas de fenêtres : de la voûte, la lumière tombe couleur
d'eau sale, tamisée par une rosace en verres rouges, jaunes et bleus : tout
autour, des manières de chapelles servant au massage, ayant, sous des
robinets, des bancs de pierre comme à la Morgue.
Soran s'étendit sur une
chaise longue, et suffoqua d'abord dans cette atmosphère surchauffée. Il
résista, et, au bout de quelques instants, ses membres raidis se
détendirent, la sueur ruissela sur son corps, et son esprit se perdit dans
le vague.
Jacques Soran, à
trente-deux ans, en paraît vingt-cinq au premier abord : mais on devinerait
son âge à quelques petits plis des tempes, presque des rides, à sa démarche
invinciblement affaissée. Soran est beau, non pas joli; le corps, cultivé
par des exercices quotidiens, est robuste et mince. Les cheveux courts par
devant tombent demi-longs, sur le cou, en ondes noires. Le teint est blanc,
avec ce don précieux et rare de pâlir également au froid et à la chaleur,
et, sous des cils ombreux pour éclairer ce visage d'un charme ineffable,
l'œil est bleu, couleur d'infini : non, le bleu du myosotis, si pur que le
paysan l'appelle: « œil d'enfant Jésus », ni le ton des ciels de l'Orient,
trop chaud et d'une valeur trop intense : c'est le bleu de l'infini que
quelques heureux ont peut-être entrevu tout au loin, dans le ciel, dans des
arrière-plans éclairés par des nuages argentés.
Les joues et les lèvres
glabres donnent à la tête comme un aspect austère et mystique, et le
scapulaire qu'on voit en ce moment sur sa poitrine ne surprend pas.
Soran rêve : renversé
sur sa chaise, le regard fixé sur un carreau de la rosace, il est comme
hypnotisé par un rayon de soleil filtrant d'une fente ; il revit toute sa
vie : son enfance, sa famille, le collège, ses voyages, et cet amour
effrayant, absurde et impossible qui depuis si longtemps ronge son cœur, et
que ni les plaisirs ni le mariage, ni le travail, ni la foi n'ont pu
guérir... il revit toute sa vie, et se repaît de cet horrible cauchemar que
l'étuvi5te vient enfin interrompre.
Jacques entra avec lui
dans l'une des petites salles latérales.
Il s'étend sur une
dalle, un morceau de bois sous la tête: penché sur lui comme le boulanger
sur sa pâte, le baigneur lui donne deux ou trois tapes sur les cuisses comme
pour prendre possession de ce corps, et le massage commence: la poitrine
d'abord ; ses mains nerveuses partent du sternum dans le sens des côtes,
descendent le long des pectoraux et les pétrissent pour les assouplir, et il
semble à Soran que ses poumons s'élargissent et que l'air chaud y entre plus
frais ; il ne pense plus, il s'abandonne tout entier, sans même essayer
d'analyser ses impressions.
« Les jambes
maintenant, » dit l'homme. Comme un anneau de fer, ses mains entourent les
malléoles et remontent, glissant toujours serrées vers le bassin ; sentant
malgré lui une troublante vibration, Soran instinctivement s'assure que son
pagne le couvre encore.
Après les flexions des
jambes et le massage des bras, la brusquerie désagréable et exquise de la
douche.
Sous le jet cinglant
comme un coup de fouet, les fibres musculaires se lissent et s'assouplissent
et le corps, tout à l'heure embrasé, recouvre une fraîcheur jeune. Alors, le
bien-être est complet : le bain turc a produit son effet bienfaisant : la
fatigue et l'énervement a disparu ; l'esprit lui-même est comme retrempé.
Pour la première fois,
peut-être,- depuis plusieurs années, Soran était presque heureux : il
traversa la salle chaude pour se rendre à sa cabine, accompagné du masseur
obséquieux.
Tout à coup, il
s'arrête: le baigneur étonné le regarde : ses yeux se sont fermés
convulsivement : il a pâli, ses jambes flageolent ; au milieu de cette
chaleur, un froid de mort glisse dans ses veines, et il tombe sur une
chaise. Il renvoie le garçon et reste là, assis, parmi les gens nombreux
maintenant qui n'ont pas remarqué son trouble.
Les impressions
physiques avaient sur cette âme sensitive une influence si grande, qu'à
peine chassé de son lit par le cauchemar il renaissait à l'espérance parce
que ses poumons se dilataient et que ses muscles étaient souples ; et voilà
que, tout à coup, il songeait à la triste réalité, à son pauvre cœur malade,
à cette lutte contre lui-même qu'il soutenait depuis si longtemps, et qu'une
apparition soudaine venait de ranimer, au moment où il croyait que le
bonheur pouvait encore être pour lui :
Au milieu de ces corps
écroulés sur les chaises, étalant les signes hideux de la dégénération d'une
race caduque : des ventres obèses et ripeux, des visages bouffis par
l'anémie, des membres tordus, des muscles atrophiés par la vérole ou la
scrofule ; parmi ces hommes venus là pour surexciter un organisme moribond,
un enfant de vingt ans apparaît, debout!
Il a la grâce gauche de
la vierge ; son pagne, plus troublant qu'une nudité, semble glisser des
hanches rondes et larges comme celles d'une femme. Les muscles peu accusés
sont potelés et remplis de fossettes; la ligne du dos n'est elle-même qu'une
longue fossette disparaissant dans les reins cambrés comme par le corset. Il
a la poitrine bombée et grasse de l'Antinoüs du musée du Capitole, mais les
attaches des membres sont plus fines, plus aristocratiques. La tête est
blonde, d'un blond lumineux de gamin, le nez un peu camus des soubrettes
Louis XV ; et l'absence d'une canine donne à sa bouche petite et épaisse un
air adorablement mutin…
Soran attendit qu'il
eût fini et, quand il quitta la salle pour s'habiller, il le suivit
haletant. Leurs cabines se trouvèrent voisines; il le guetta et, quelques
instants après, il sortit derrière lui.
A la porte, dans son
trouble il perdit du temps, et l'enfant disparut, le laissant anéanti sur le
seuil.
Jacques Soran rentra
chez lui.
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